Face à la colère des enfants et des ados

23/02/2024

photo Keira Burton - pexels

La colère, quand elle submerge nos enfants, ça peut être effrayant, insupportable, contagieux même… Et avec les ados, encore pire, si elle s'exprime avec violence. 

Récemment j'ai reçu des parents qui se plaignaient des fortes colères de leurs enfants, et qui ne savaient pas comment les calmer. Les parents sont souvent conscients de l'immaturité du cerveau des jeunes enfants, mais ils sont bien moins tolérants avec leurs ados, jugeant qu'à 12 ou 15 ans « ils devraient savoir gérer leurs émotions », et devraient avoir acquis le fameux « âge de raison ». Les neurosciences ont montré que le cerveau n'est pas totalement mâture avant 25 ans ! Bien sûr, les compétences psycho-sociales peuvent s'apprendre, mais il faut se garder de trouver normal qu'elles soient acquises chez les enfants et les ados.

Alors, comment faire face à leurs colères ? 😡 Avant de vous donner des indications sur le « faire », j'aimerais insister sur l'importance du regard que nous adultes portons sur eux. Non, ils ne sont pas « méchants » ou « irrespectueux », non ils ne le font pas « exprès » pour vous pousser à bout. Leur cerveau émotionnel est physiologiquement immature et c'est normal. Donc au lieu de les punir en espérant qu'ils vont comprendre la leçon (alors qu'il n'y a rien à comprendre) il s'agit de les aider à traverser cette émotion qui les submerge en dehors de toute volonté et de tout contrôle. Vous m'avez bien lu : les aider. Vous, quand vous avez une émotion, comment vous sentez-vous ? par exemple, moi parfois ça me traverse violemment et je dois faire un énorme effort pour canaliser l'émotion, l'accueillir et ensuite seulement la comprendre et la transformer. C'est cela que nous pouvons faire pour les aider, comme on le fait avec soi-même : canaliser, accueillir, comprendre et laisser se transformer. Et toujours se rappeler que l'émotion est un élément vivant, involontaire et dont on n'est pas responsable. On peut juger et réprimer un comportement, mais pas une émotion, et surtout pas une personne. 

J'aime bien dire aux parents « Vous avez un enfant formidable qui a parfois un comportement inadmissible ». 😁

Les actes et paroles brusques sont des réponses incontrôlables du cerveau aux situations de menace ou de danger. Les réactions en cas stress sont de trois ordres : attaque, fuite, sidération. C'est souvent la première qui pose problème aux parents (en tout cas ceux que je reçois), et qu'ils interprètent comme une agression. Qu'est-ce que cela change pour vous si comprenez que votre enfant, dans cette réaction brute, n'est pas votre ennemi mais qu'il est en proie à un stress intense? La théorie de l'attachement montre que, dans ces cas-là (et même si cela vous semble incompréhensible et irrationnel), l'enfant a besoin d'un refuge, d'une réassurance, et c'est vous. C'est le rôle de la figure d'attachement. Si vous criez, tapez, ou isolez votre enfant (comme le préconisent certains experts), cela aggrave sa panique et sa colère. Et cela échoue à lui enseigner les compétences psychosociales et émotionnelles dont il a besoin, aujourd'hui et dans sa vie future.

La première action utile est de valider son émotion « Je vois bien que tu es en colère » 

et la deuxième, aussitôt, est de recadrer le comportement « Je ne tolère pas ce que tu fais là. Trouve un moyen acceptable d'exprimer ta colère ». Cela peut être de taper sur son oreiller, de claquer la porte ou d'aller courir… 

La troisième action utile est de lui dire « Quand on sera plus calmes tous les deux (reconnaître que nous aussi en tant qu'adulte, on sent la moutarde monter au nez…), on pourra en parler ». Ce n'est pas une baguette magique, c'est une méthode issue de la Discipline Positive fondée sur la patience, l'humilité et l'encouragement : le parent est modèle de ce qu'il enseigne, tout en étant conscient de sa propre imperfection. Nous, comme nos enfants, faisons de notre mieux et avons besoin de soutien mutuel pour progresser. 

Souvenez-vous que la colère, comme toutes les émotions, est une messagère 🎈: elle a donc besoin d'être entendue et considérée. Ne faites pas comme si vous n'aviez rien vu, ce serait pire. Intervenez le plus tôt possible, avant que le palier explosif soit atteint (celui de votre enfant… et le vôtre !). Quand il est atteint, c'est beaucoup plus difficile de redescendre. Plusieurs fois, les parents me disent « oui mais si j'interviens, la colère tombe sur moi ». Avec les ados, on peut préférer rester à distance, en effet, mais cela n'empêche pas les mots. Comme je l'ai écrit plus haut, les actions utiles sont des paroles… Avec les enfants petits, c'est différent : des parents m'ont dit à plusieurs reprises que le fait de toucher leur enfant au début de l'expression de colère permettait de la calmer aussitôt… Ne serait-ce qu'une main sur l'épaule, en s'accroupissant pour se mettre à sa hauteur.

Les enfants et les ados ne comprennent pas cette violence interne qui les traverse. Notre rôle d'adultes est de les aider à l'apprivoiser, comme si nos émotions étaient des chevaux sauvages déchaînés. C'est cela l'intelligence émotionnelle. Quand nous les contenons avec fermeté et bienveillance, nous leur apprenons à devenir plus responsables. À ma connaissance, il n'y a pas d'autre moyen de grandir. 🌈