Par quoi les lycéens sont-ils stressés?

16/01/2024

Certains parents relativisent le stress vécu par les jeunes, comme si, à leur âge, cela ne pouvait pas être si grave. Alors voici les résultats d'un questionnaire rempli par 30 lycéens à l'automne 2023 dans le cadre d'un atelier "stress et émotions" que je mène avec eux.

Quand une situation difficile ou stressante approche, 30% pensent au pire (élaborent un scenario catastrophe), 20% font quelque chose qui leur fait du bien et seulement 6,6% pensent à demander de l'aide. Quand la situation se présente, parmi les trois réactions possibles au stress (fuite, confrontation ou sidération), presque 55% optent pour la fuite et l'évitement... Concrètement, cette fuite peut se manifester par la procrastination, ou le fait de se réfugier dans les écrans pour éviter de se confronter aux difficultés de l'apprentissage et au risque de l'échec... Certains parents et enseignants optent soit pour la carotte, soit pour le bâton, alors que ni l'un ni l'autre ne sont des sources de motivation réelle. En Discipline Positive, nous interprétons ce type de comportement comme des signes de découragement. Une réponse efficace pourrait être, par exemple, de témoigner à notre enfant plus de confiance dans ses capacités et de l'aider pas à pas. Beaucoup de parents le font déjà, beaucoup d'enseignants aussi, et j'insiste sur l'idée que c'est la meilleure voie possible pour aider nos ados à s'améliorer.

A la question "qu'est-ce qui est le plus insupportable pour moi" et qui génère donc un état de stress, 48% répondent "me sentir inutile" et 45% "me sentir rejeté". Le psychiatre Alfred Adler, père de la Discipline Positive, l'a montré voilà plus d'un siècle :  les besoins essentiels de l'être humain sont la reconnaissance (le besoin de se sentir utile et d'être reconnu pour sa contribution) et l'appartenance (le besoin d'être intégré dans une communauté). Cela nous indique ce que nous, adultes, pouvons apporter de plus précieux aux jeunes : leur montrer qu'ils nous apportent quelque chose de précieux, par leur contribution ou simplement leur présence, leur rappeler que nous les accueillons pleinement comme membres de la famille et du groupe social.

Les principaux facteurs de stress sont liés aux notes et à la peur de l'échec scolaire.

Malgré les résultats plutôt bons de ce groupe de 30 élèves, ils témoignent d'une peur constante de mal faire ou d'avoir des notes en dessous de leurs attentes (ou des attentes de leurs enseignants et de leurs parents...). Les élèves de terminale ont aussi exprimé leur peur de faire le mauvais choix sur Parcoursup ou d'être contraints à une orientation non choisie. Ils pointent aussi les relations parfois difficiles avec les enseignants lorsque ceux-ci expriment des exigences (jugées très élevées) et des critiques (jugées injustifiées), ce qui entraîne pour eux une forte pression, une peur de ne pas "y arriver" et un sentiment d'injustice. Globalement, 

les difficultés relationnelles sont une source importante d'émotions difficiles

que ce soit avec les enseignants, les autres jeunes ou dans la sphère familiale.

Une autre source d'anxiété est liée à l'avenir : peur du dérèglement climatique et de l'évolution du monde, peur de ne pas y trouver leur place. Un de ces élèves confiait qu'il souffrait de la chaleur l'été et s'angoissait à l'idée que les températures allaient augmenter. Là encore, il me semble que l'encouragement est un levier essentiel dans la relation avec ces jeunes: il ne s'agit pas de nier la réalité, mais de les rassurer sur leurs capacités à faire face aux difficultés. Les émotions qu'ils disent ressentir le plus souvent sont la joie, l'enthousiasme (12 sur 30) et l'anxiété, la peur du futur (12 également). Pour 3 d'entre eux, l'émotion dominante est le trio tristesse, déception et découragement. 

Quelles sont leurs ressources, leurs stratégies pour "être plus heureux"? 53% se tournent vers leurs familles et amis, 30% s'adonnent à une activité-passion sportive ou culturelle, tandis que 10% choisissent les jeux vidéo et les réseaux sociaux. 10%, c'est à la fois beaucoup et assez peu (j'entends partout que les jeunes ne vivent qu'à travers les écrans, or c'est un refuge minoritaire, en tout cas pour ces 30 lycéens interrogés)...

Ce qui ressort de ces réponses, pour moi, c'est d'abord l'importance de les rassurer : ils sont capables de réussir, et même si la réussite n'est pas à la hauteur de leurs attentes, cela ne remet pas en question leurs qualités intrinsèques ni leur droit à être aimés, reconnus et acceptés comme ils sont. En tant que parents, nous voulons que nos enfants aient de bons résultats scolaires pour leur assurer un avenir plus confortable ou plus sûr... Cependant il faut prendre en compte que cette pression des résultats les rend malheureux à court terme sans pour autant les aider ni à étudier, ni à réussir. Leur faire confiance, les encourager, les accompagner pas à pas, leur donner le droit à l'erreur, voilà qui peut davantage les aider à devenir des humains équilibrés, responsables et heureux. Au fond, n'est-ce pas ce que nous voulons le plus au monde pour nos enfants?